Tout récemment, désignée lauréate du Prix de la langue française — « qui distingue une personnalité du monde littéraire, artistique ou scientifique dont l’œuvre contribue de façon importante à illustrer la qualité et la beauté de la langue française », Ananda Devi vient de remporter le Prix International Neustadt de Littérature 2024, après Boubacar Boris Diop en 2022. L’écrivaine mauricienne, membre du Parlement des écrivaines francophones, confirme qu’elle est une grande voix de la littérature contemporaine de langue française.
Ananda Devi est née à l’île Maurice en 1957, de parents d’origines indiennes et elle vit actuellement en France, après avoir fait des études en Angleterre. Elle est d’une identité qui se nourrit de l’Afrique, de l’Asie et de l’Europe, et cela est palpable dans ses nombreux textes. En effet, Ananda Devi porte un intérêt particulier pour l’écriture, dès sa prime jeunesse. Elle commence à écrire des poèmes et des nouvelles, et gagne un concours d’écriture organisé par Radio France alors qu’elle est âgée d’une quinzaine d’années. Mais c’est en 1976 qu’elle publie son premier livre, un recueil de nouvelles intitulé Solstices, paru chez Regent Press. Et depuis lors, l’écriture marque toute sa vie, comme elle le précise elle-même : « Née en 1957. Un autre monde. / Trois Boutiques, île Maurice,/l’ancrage de mon silence. / La tourterelle dans la nuit bleue des cannes à sucre. / La maison de mes grands-parents, labyrinthe de secrets. / Les livres de mes parents, passionnés de tout. / Et puis, et puis ? / Et puis, l’écriture, toute ma vie, depuis l’enfance. / Sans elle, rien du tout ».
Après un doctorat en anthropologie à l’Université de Londres, Ananda Devi renoue avec l’écriture. Son premier roman, Rue la poudrière est publié à Abidjan, aux Nouvelles Éditions Africaines, en 1989. Ce sera l’ouverture d’une entreprise romanesque qui compte déjà une dizaine de publications parmi lesquelles : Le Voile de Draupadi (L’Harmattan, en 1993) ; Moi, l’interdite (Éditions Dapper, 2000 : Prix Radio France du livre de l’Océan Indien 2001, Prix des lecteurs de la Bibliothèque Boris Vian 2002) ; Eve de ses décombres (Gallimard, 2006 : Prix des cinq continents, Prix RFO du livre, Prix France Bleue Gironde, Prix TSR du roman) ; Le Sari vert (Gallimard, 2009 : Prix Louis Guilloux 2010, Prix Continental 2010, Prix Armorice 2011) ; Manger l’autre (Grasset, 2018 : Prix Ouest-France Etonnants Voyageurs 2018) ; Le rire des déesses (Grasset, 2021) ; Le Jour des caméléons (Grasset, 2023).
Pour ce qui est de ses recueils de nouvelles, à part Solstices, elle a entre autres publié Le poids des êtres (Éditions de l’Océan Indien, 1987) ; La fin des pierres et des âges (Éditions de l’Océan Indien, 1993) et L’ambassadeur triste (Gallimard, 2015). Parmi ses recueils de poèmes, on citera : Les Chemins du Long Désir (Éditions Grand Océan, 2001) ; Le long Désir (Gallimard, 2003) ; Quand la nuit consent à me parler (Éditions Bruno Doucey, 2011) ; Ceux du large (Éditions Bruno Doucey, 2017) ; Danser sur tes braises, suivi de Six décennies (Éditions Bruno Doucey, 2020). Elle est également auteure de livre pour enfants – Chiens noirs (Dodo Vole, 2017) ; de récits – Les hommes qui me parlent (Gallimard, 2011) et Fardo (Cambourakis, 2020) ; d’essais – Deux malles et une marmite (Project’îles, 2021) ; et de nombreux scénarios.
C’est au prisme de cette œuvre prolifique qui est taillée à la mesure de plusieurs préoccupations contemporaines que Ananda Devi a donc été désignée Neustadt 2024. Le Neustadt International Prize for Literature est décerné chaque deux ans à un auteur dont l’ensemble de l’œuvre est jugé exceptionnel par le jury. Initié depuis 1970, il est généralement considéré comme le « Nobel américain » au regard de son organisation et de sa portée internationale. Il récompense des auteurs de tous les horizons, écrivant dans toutes les langues, à la seule condition qu’au moins une partie de leurs œuvres soit disponible en anglais. Le lauréat reçoit une somme de 50 000 dollars américains, un trophée et un certificat.
Après l’Algérienne Assia Djebar (1996), le Somalien Nurrudin Farah et le Sénégalais Boubacar Boris Diop (2022), La femme de lettres mauricienne devient la quatrième écrivaine africaine à recevoir cette distinction qui se pose comme la plus prestigieuse organisée dans l’espace anglophone. Ananda Devi était en lice avec Chris Abani (Nigéria), Angie Cruz (États-Unis), Jenny Erpenbeck (Allemagne), Nona Fernandez (Chili), Juan Felipe Herrera (États-Unis), Maxine Hong Kingston (États-Unis), Valeria Luiselli (Mexique) et Shahrnush Parsipur (Iran).
Boris Noah
1) Site internet de l’auteure : Ananda Devi.
Comments