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Carmen TOUDONOU Finaliste de la résidence Lakalita 2022

Qui êtes-vous Carmen ?

Je suis Carmen Fifamè Toudonou, née le 22 juillet 1981. Très jeune, je me passionne pour la lecture. Le compagnonnage de mes personnages préférés, Capitaine Nemo, Julien Sorel et toute la joyeuse clique campagnarde des parties de chasse décrites dans les nouvelles de Maupassant me font passer le temps lorsque ma mère est emprisonnée pour ses convictions politiques. Plus tard, je découvre les romans psychologiques russes, les longues descriptions américaines puis la diversité de la littérature africaine avec Wole Soyinka, Chinua Achebe, Ken Bugul et Olympe Behly Quenum dont certains sont au programme et d’autres, ramenés à la maison par ma mère. La passion pour la lecture débouche sur une autre : celle de l’écriture, et à 15 ans, je veux être journaliste-écrivain comme le père et double de Pierre Sandoz, Émile Zola.

Vers l’âge de 17 ans, j’écris donc mes premiers poèmes, d’inspiration rimbaldienne puis je débute la rédaction de nouvelles, de sketchs et de pièces de théâtre. En 2002, je commence à écrire son premier roman, Presqu’une vie. Parallèlement au roman, je continue la rédaction de nouvelles et de poèmes.


J’ai notamment travaillé dans la presse écrite et audiovisuelle. J’ai par ailleurs été présentatrice du journal télévisé et je publie régulièrement des chroniques littéraires dans la presse et sur Internet. Après un Diplôme d’Études Approfondies, je termine actuellement un doctorat sur une sémiologie des grades et appellations dans les Forces armées béninoises. Je travaille à l’Assemblée nationale du Bénin où je suis la directrice adjointe de l’institut parlementaire et responsable de l’unité de recherche en communication et technologies de la communication. En dehors de la littérature, je me passionne pour le cinéma (j’ai réalisé un court métrage et en a écrit deux autres).


Ma quête esthétique se fonde sur une recherche de l’authenticité dans une universalité éclectique. Je suis autrice de neuf ouvrages édités dans différents genres littéraires, et de nombreux manuscrits inédits, théâtraux notamment. J’ai dirigé deux anthologies littéraires féminines (Œstrogènes et Sororité Chérie). Mon recueil de nouvelles Carmen Fifonsi Aboki (CFA) a été sélectionné par le Prix Ahmadou Kourouma du Salon du livre de Genève en 2019.


À quel moment pour vous l’écriture est-elle devenue une urgence, une passion ? Avez-vous toujours écrit ?

L’écriture est devenue une urgence pour moi, à partir du moment où j’ai montré mes premiers textes (ils étaient poétiques) à des devanciers, qui les ont trouvés aboutis. Je n’ai pas toujours écrit, j’ai commencé précocement à lire des œuvres classiques, vers mes 10 ans. Ensuite, c’est la lecture qui m’a donné cette envie de m’essayer à l’écriture. Cette passion m’est donc venue tout naturellement, et elle s’est ancrée avec la publication de mon premier roman « Presqu’une vie », laquelle est intervenue quand même plus de 10 ans après le début de sa rédaction. L’accueil chaleureux du public et de la critique a fait le reste.



De quelles manières la résidence Lakalita vous sera-t-elle utile pour atteindre vos objectifs ?

Cette résidence est, pour moi, une réelle aubaine, car elle me permettra de me concentrer sur le projet romanesque pour lequel j’ai été retenue. Je peux dire que c’est une première. Jamais, je n’avais pu bénéficier d’une résidence. Je pense, j’ai toujours pourtant pensé que les résidences sont utiles à l’artiste pour peaufiner l’œuvre d’art. J’ai été absolument bouleversée par ma sélection, et je félicite toute l’équipe de Lakalita pour avoir eu cette merveilleuse idée. J’ai eu quelques craintes d’abandon du projet au vu de la conjoncture politique au Burkina Faso, mais l’équipe tient bon, et je n’en suis qu’impressionnée. Merci vraiment.



Le monde de l’écriture en Afrique reste encore à la portée d’une certaine élite (réseautage). Comment selon vous peut-on essayer de donner de l’importance au talent et encourager la jeunesse à s’épanouir en littérature ?

Simplement, en faisant les choses telles que Lakalita vient de le faire. Il faudrait que les structures ayant des initiatives importantes laissent leurs chances à des personnes qu’elles ne connaissent pas, mais qui montrent du talent par leurs dossiers. Ceci aidera à dénicher de nouveaux talents et à donner leurs chances aux plus jeunes. Il faudrait également que les personnes talentueuses osent tenter leur chance auprès de ces structures. L’on peut avoir l’impression de vouloir postuler pour rien. Mais si l’on ne risque rien, l’on n’a rien, comme le dit l’adage. La preuve, moi…



Trouver son identité d’écrivaine, c’est quelque chose qui demande beaucoup de temps, de rigueur, de recherche et d’introspection. Quel est votre processus de création ?

Je ne suis pas une personne très structurée, et par ailleurs, la réponse à cette question dépend du genre littéraire que j’aborde. Globalement, le processus est le suivant : je pars d’une idée de création que je consigne. Je note également la façon dont j’ai envie de traiter cette idée. Ensuite, j’effectue des recherches sur ce sujet, en réalisant par exemple des entrevues avec des personnes ciblées (parfois, je discute avec elles, mine de rien, pour pénétrer leur univers), je fais de la recherche documentaire, et parallèlement, j’écris. Mon travail en fiction s’articule surtout autour de la construction des personnages, des décors, de l’espace-temps. Lorsque j’ai fini d’écrire, je me fais relire par des « sachants » pour faire vérifier le caractère plausible de mes écrits. Ainsi, pour mon dernier roman qui se déroule dans le milieu judiciaire, j’ai eu recours à deux avocats à la fin, pour cet exercice de rééquilibrage.



À quoi ressemble votre première œuvre littéraire ?

Ma première œuvre littéraire est un roman comme je l’ai déjà noté. Il est paru en 2014 aux éditions Plume Soleil, il fait 205 pages. Il a, depuis, été deux fois réédité. Il aborde la thématique de l’éducation des filles en Afrique, et conte le destin contrarié d’une fillette consacrée au vodoun de son clan. Il s’agit d’une ode aux beautés de nos traditions, et d’un plaidoyer pour que nos rites et us sauvegardent pour les enfants, une ouverture pour l’éducation dite classique.



Est-ce que l’encadrement des futurs écrivains à travers des ateliers littéraires fait partie de vos plans ?

Absolument. L’encadrement des futurs écrivains fait partie du projet de création de la maison d’édition Vénus d’Ébène que j’ai mise en place en 2017, et qui fait la promotion des jeunes écrivains, à travers notamment le Grand Prix Vénus d’Ébène. Ce prix a déjà permis la révélation de deux jeunes romanciers talentueux, dont l’un a remporté le grand prix littéraire du Bénin, catégorie roman en 2020. Par ailleurs, le concours Miss Littérature, dont je suis la promotrice, organise régulièrement des ateliers d’écriture à l’endroit des lauréates. Un recueil de nouvelles a été publié en 2017 ; le deuxième recueil consacré à la biennale 2020-2021 est sous presse.



Avez-vous des projets ou d’autres objectifs que vous aimeriez atteindre ?

Je foisonne d’idées dont certaines sont sûrement utopiques. Je compte vraiment me consacrer à la réalisation de cinéma, et j’espère tourner mon premier long métrage qui est en cours d’écriture cette année. Aussi, je devrais publier au moins deux livres cette année. Autrement, j’ai des envies d’apprendre la sculpture, mais je suis tellement happée par tout ce que je fais déjà, que je crains ne pas pouvoir le faire avant longtemps. Mais c’est aussi une bonne chose que de garder des rêves, à soi, d’avoir toujours sur la langue, ce goût d’inachevé qui nous sauvegarde l’envie de continuer…


Un mot pour la femme écrivaine et artiste en ce mois de la femme…

Je souhaite à la femme écrivaine beaucoup de liberté, surtout dans la tête. Car c’est libre, que l’on peut créer.


Propos recueillis par Pénélope Mavoungou


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