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Décès de Desmond Tutu : le baobab de la paix s’effondre !

L’archevêque émérite Desmond Mpilo Tutu, l’une des figures de proue du combat contre l’Apartheid en Afrique du Sud, a définitivement rangé sa tunique le 26 décembre 2021. D’une santé précaire depuis plusieurs années, celui qu’on avait surnommé « the Arch », est décédé à l’âge de 90 ans au « Oasis Frail Care Center » dans la ville du Cap. À l’annonce de son rappel à Dieu, le président sud-africain Cyril Ramaphosa a témoigné toute sa tristesse, en rappelant que ce départ est un adieu difficile que sa nation doit faire au dernier baobab de « la génération exceptionnelle » qui a libéré l’Afrique du Sud de son feu le plus brulant des inégalités sociales et raciales. À sa suite, un flux d’hommages est venu des quatre coins du monde pour saluer la mémoire de cet homme qui a marqué l’histoire de son pays et dont les actions pour le maintien de la paix lui ont valu un Prix Nobel.


Né le 7 octobre 1931 à Klerksdorp en Afrique du Sud, Desmond Tutu rêve de faire des études de médecine qui ne sont malheureusement pas à la portée de sa famille aux revenus modestes. Il opte de ce fait pour l’enseignement et reçoit une bourse qui lui permet d’étudier les sciences de l’éducation au Pretoria Bantu Normal College entre 1950 et 1953. Devenu instituteur en 1954, il va poser l’un des premiers actes forts de sa vie en 1957, en décidant de démissionner de son poste pour exprimer son indignation contre la qualité déplorable de l’enseignement réservé aux Noirs. C’est ainsi qu’il se tourne vers des études théologiques et est ordonné prêtre de l’église anglicane en 1961. Après des passages en Europe pour approfondir ses études religieuses, Desmond Tutu devient professeur de théologie. Il devient le premier Doyen noir du diocèse de Johannesburg en 1975 et est ensuite nommé évêque du Lesotho entre 1976 et 1978. Après ce poste, il est placé à la tête du Secrétariat général du Conseil œcuménique d’Afrique du Sud, jusqu’en 1985. En 1986, il est nommé Archevêque de la ville du Cap. De 1987 à 1996, il est président de la conférence de toutes les Églises du « pays arc-en-ciel ». Et depuis lors, il était Archevêque émérite.


Toutes ces hautes responsabilités au sein de l’Église anglicane, son sens de la vérité et son aura vont forger sa notoriété. Desmond Tutu va faire entendre sa voix sur les sujets brulants de son pays et va jouer un rôle déterminant dans tous les moments marquants de son histoire. On se souvient de son implication dans la lutte contre l’Apartheid. Pendant que ce mouvement ségrégationniste battait son plein en Afrique du Sud, il a organisé des marches pacifiques, il a pris part aux mouvements de contestation organisés par les opprimés, il n’a cessé de faire des prédications et des discours prônant l’égalité et la paix. Il a parallèlement été d’un grand soutien pour Nelson Mandela avec qui il luttait pour les mêmes causes. Son implication dans la lutte contre la ségrégation raciale lui aurait valu un emprisonnement, sans son statut de clergé qui lui garantissait une certaine immunité.


La particularité de Desmond Tutu c’est qu’il a toujours véhiculé un message de paix, de non-violence et de pardon. Et c’est à cause de ses actions pacifiques contre le système de l’Apartheid qu’il sera consacré Prix Nobel de la paix le 16 octobre 1984. « C’était un homme d’un courage inflexible, fait de convictions morales, et dont la vie a été menée au service des autres. Il incarnait, de plusieurs façons, notre humanité. Le fait qu’il était malade depuis quelque temps n’atténue pas le choc ressenti par l’Afrique du Sud en ce triste jour. Il était franc, direct, et n’hésitait pas à dire la vérité à ceux qui étaient au pouvoir, même lorsque cela signifiait critiquer les gouvernements de l’ère démocratique. » C’est ainsi que le présente Cyril Ramaphosa, avant de poursuivre : « c’est pour ses mots, et ses actions, face à la brutalité du régime de l’apartheid, qu’il a été honoré du prix Nobel de la paix. Et c’est en le recevant qu’il a déclaré : “il n’y a pas de paix tant qu’il n’y a pas de justice.” C’est un principe que l’on doit continuer à suivre, alors que l’on pleure désormais son décès ».


Par ailleurs, lorsque Nelson Mandela est élu chef d’État, il engage une vaste entreprise de réconciliation nationale. Et pour cela, il crée la Commission de vérité et de réconciliation afin de faire toute la lumière sur les crimes commis par la communauté blanche pendant l’Apartheid. C’est Desmond Tutu qu’il choisit pour être à la tête de cette Commission en 1995. Après trois ans d’enquête, environ 30 000 personnes ont été entendues, et les coupables ont été amnistiés. Le travail de cette commission est aujourd’hui considéré comme l’un des maillons importants de la pacification de la « nation arc-en-ciel ». Et bien plus, Desmond Tutu a toujours critiqué la mauvaise gestion des affaires politiques de son pays. Il a longtemps dénoncé la corruption, les salaires des députés sud-africains qu’il jugeait excessifs, l’enrichissement illicite de certains membres du gouvernement, la politique des ventes d’armes en Afrique du Sud et d’autres exactions. Et même sur le plan international, il a posé plusieurs actions qui justifient son affinité avec de nombreuses personnalités du monde et sa reconnaissance à travers le monde.

Le courage de Desmond Tutu à faire valoir ses convictions dans le sens du pardon, de la paix ainsi que de l’égalité, l’a mené dans plusieurs combats qui ne faisaient toujours pas l’unanimité. Certains de ces combats allaient parfois à l’encontre des valeurs ecclésiastiques. On peut citer sa lutte contre l’homophobie qu’il comparait à la discrimination raciale en précisant que nous sommes tous des êtres humains et nul ne choisit son genre et sa race. On évoquera aussi sa préférence pour le suicide assisté. Il estimait à ce sujet que des personnes souffrant de maladies graves et incurables pouvaient décider de mettre un terme à leurs jours en toute « dignité ». Tout compte fait, Desmond Tutu a été durant toute sa vie un chantre de la paix et de la justice. Son combat pour le respect des droits de l’homme qui a transcendé les frontières a laissé une marque indélébile dans la mémoire collective. Son héritage est inestimable pour l’Afrique du Sud, pour le continent africain et pour le monde entier. Malgré son âge déjà très avancé, son décès est une perte énorme.


Pour lui rendre hommage à sa juste valeur, l’Église qu’il a tant servie et le gouvernement en place ont pris certaines dispositions. Depuis le lendemain de son décès, les cloches de la Cathédrale Saint-Georges sont sonnées chaque jour pendant dix minutes, à partir de midi, jusqu’à ce que le corps de l’Archevêque arrive à la Cathédrale pour les obsèques. La montagne de la Table, la plus haute de la ville du Cap, sera illuminée du violet chaque soir. Le Chef d’État quant à lui, a décrété une semaine de deuil national durant laquelle, les drapeaux sont en berne dans tout le pays et devant les ambassades sud-africaines dans le monde, jusqu’à la veille de ses funérailles qui auront lieu le 1er janvier 2022.


Boris Noah




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