La 27e édition du Festival Panafricain du Cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO) vient de refermer ses portes au Burkina Faso. Initialement prévue du 27 février au 6 mars 2021, cette édition avait été reportée en raison de la pandémie de Covid-19. Elle s’est finalement tenue du 16 au 23 octobre 2021, sous le thème : « Cinémas d’Afrique et de la diaspora : nouveaux regards, nouveaux défis ».
Relever de nouveaux défis
Le clap d’ouverture du Fespaco 2021 a été donné dans la journée du samedi 16 octobre, au Palais des sports de Ouaga 2000, par le Chef de l’État burkinabé Roch Marc Christian Kaboré. On a noté entre autres la présence de plusieurs personnalités comme la Ministre de la Culture, des Arts et du Tourisme du Burkina Faso, Élise Foniyama Ilboudo Thiombiano. Le Ministre sénégalais de la Culture et de la Communication, Abdoulaye Diop. Et Alex Moussa Sawadogo, le tout nouveau Directeur Général du Fespaco, qui avait à cœur d’apporter une nouvelle dynamique à ce festival à la tête duquel il passait sa première édition. On a pu remarquer quelques innovations, telles que la création de nouvelles sections visant à impliquer d’autres acteurs. On peut par exemple évoquer la création de la Section Burkina, qui vise à promouvoir le cinéma burkinabé ; la Section Perspectives destinée aux réalisateurs qui sont à leur premier ou deuxième long-métrage ; sans oublier les ateliers Yennenga visant à accompagner des jeunes qui font leurs premiers pas dans le cinéma. Et au-delà, le festival se déroulait dans un contexte marqué par la Covid-19 et la crise sécuritaire due aux actes de terrorisme enregistrés dans certaines parties du pays. Moussa Sawadogo et son équipe devaient donc aussi gagner le pari des défis sécuritaires et sanitaires.
Le président Kaboré, dans son propos, a questionné les difficultés qui plombent l’aile du cinéma africain, en invitant les différents acteurs de ce monde à se mettre ensemble pour relever les défis auxquels ils sont confrontés : « Quelles sont les contraintes, les perspectives du cinéma africain ? Il faudra que l’ensemble des acteurs de ce monde se penchent dessus pour que nous puissions lever tous les verrous qui empêchent le cinéma africain de prospérer. » Allant dans le même sens, Mme Foniyama Ilboudo est longuement revenue sur l’insuffisance du financement, la faiblesse de la production cinématographique, les difficultés liées à la distribution et à la promotion des films sur les plateformes numériques notamment. Ce sont ces défis qu’il faudra relever dans l’avenir, pour rendre le cinéma africain compétitif afin de le permettre de gagner plus de visibilité à l’échelle internationale.
Pendant une semaine, la ville hôte du festival, Ouagadougou, a été le plateau de célébration de la plus belle fête du 7e art en Afrique. On a assisté à la diffusion de 239 films africains et de la diaspora. Ces films provenant de plus de 50 pays ont été diffusés dans plusieurs salles et autres espaces aménagés pour la circonstance. Il faut dire que le Sénégal était le pays invité d’honneur de cette 27e édition. C’est pourquoi le film Atlantique de la réalisatrice sénégalaise Mati Diop a été le premier à être projeté (hors compétition), marquant ainsi le début des festivités. « Je souhaitais laisser une trace d’un chapitre de l’histoire contemporaine sénégalaise, en particulier de la jeunesse qui a disparu en mer en tentant de rejoindre l’Espagne. C’est un phénomène, une situation économique et politique d’une grande violence », a-t-elle déclaré à la fin de la projection. En guise de rappel, Mati Diop est la première réalisatrice d’origine africaine à remporter le Grand Prix du Festival de Cannes, en 2019, avec Atlantique. Ce film dont une grande partie a été tournée au Sénégal porte un regard appuyé sur l’immigration clandestine et sur la situation précaire de la jeunesse africaine.
Khadar Ahmed, Étalon d’or de Yennenga
La cerise sur le gâteau de cette belle fête du cinéma c’est la remise des prix. Ce moment qui marque la fin du festival est indiscutablement le plus attendu de tous. Le plus prestigieux prix du Fespaco, l’Étalon d’or de Yennenga, a été remporté par Khadar Ayderus Ahmed pour son film The Gravedigger’s wife (La Femme du fossoyeur). Il succède de fait au réalisateur rwandais Joël Karekezi qui avait été récompensé en 2019 pour son long-métrage The Mercy of the jungle (La Miséricorde de la jungle). Khadar Ahmed est un auteur-réalisateur somalien né le 10 janvier 1981. Il a réalisé plusieurs courts-métrages parmi lesquels, The Thief, en 2017. La Femme du fossoyeur qui avait déjà été présenté au dernier Festival de Cannes est son premier long-métrage. Le film raconte une histoire d’amour tournée dans les quartiers pauvres de Djibouti. Guled, fossoyeur de métier, est le mari de Nasra et le père de Mahad. Alors qu’il peine déjà à subvenir aux besoins de sa petite famille, sa femme tombe gravement malade. Il s’agit d’une maladie rénale qui nécessite une opération d’urgence. Il sera donc question pour Guled de trouver de l’argent pour sauver sa femme qu’il aime tant.
Une histoire aussi émouvante que réaliste qui a été choisie parmi les 17 films en lice au départ, par le jury présidé par le réalisateur et producteur mauritanien Abderrahmane Sissako (lauréat du César du meilleur film en 2015, pour son film Timbuktu). Le président du jury a déclaré à propos : « un film ne doit pas prétendre des choses, et ce film ne prétend pas. Ce film raconte l’humanité de façon touchante, raconte la pauvreté, mais raconte surtout une histoire d’amour. C’est ça qui est beau, c’est ça qui est fort. Et venant d’un pays difficile, qui souffre, malgré les difficultés de la Somalie, lorsque vient un film comme ça, je trouve que c’est important pour le continent africain, pour le cinéma africain. » Malgré l’absence de Khadar Ahmed, il a tenu à le féliciter avant de préciser que « pour tout cinéaste africain [l’Étalon d’or de Yennenga] est le plus beau prix qu’on puisse avoir, c’est toute une fierté. »
L’Étalon d’or de Yennenga est accompagné d’une récompense de 20 millions de FCFA. L’Étalon d’argent, remporté par la Haïtienne Gessica Généus pour son film Freda, est accompagné d’une somme de 10 millions de FCFA, tandis que le vainqueur de l’Étalon de bronze − la Tunisienne Leïla Bouzid, pour son film Une Histoire d’amour et de désir − empoche une somme de 5 millions FCFA. Par ailleurs, le Grand Prix du Président du Faso du meilleur espoir a été remis à Kiswendsida Parfait Kaboré pour son film « Après ta révolte, ton vote ». Et Delphine Yerbanga s’est emparé du Grand Prix du Président du Faso du meilleur film burkinabé, avec « Sur Les traces d’un migrant ». Nous citerons enfin d’autres récompenses comme le Prix Thomas Sankara qu’a remporté l’Egyptien Mohamed Kheidr ; le Prix spécial CEDEAO de l’intégration pour le film ouest-africain remis au Burkinabé Boubacar Diallo ; et le Prix de la meilleure réalisatrice ouest-africaine remporté par la Nigérienne Aïcha Macky.
Boris Noah
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