Par Ndèye Fatou Kane
Né à l’initiative de l’écrivaine tunisienne Fawzia Zouari, le parlement des écrivaines francophones a vu le jour en 2017 lors des Rencontres des Voix d’Orléans. Il regroupe à ce jour des écrivaines venues des cinq continents, ayant la particularité d’avoir la langue française en partage.
Rendre distincte la voix des femmes écrivaines francophones, favoriser l’« écrire ensemble », travailler à la reconnaissance de la femme écrivaine dans son pays, constituer un trait d’union entre le Nord et le Sud, tels sont les objectifs du Parlement des écrivaines francophones. Pour les atteindre, il met en avant les principes de liberté, d’égalité et de féminité.
En plus de se réunir en sessions (dont la première a eu lieu en 2018 à Orléans), le Parlement des écrivaines francophones a tenu sa deuxième session en 2019, toujours à Orléans. En sus, de se regrouper pour discuter de leur double casquette de femmes et d’autrices, l’accent est aussi mis par les écrivaines sur le débat d’idées, en allant à la rencontre du public, par le biais de tables rondes.
Engagement pour une meilleure prise en charge de la littérature féminine
La prise en charge de la littérature féminise francophone se fonde primordialement dans la publication d’ouvrages. Dans cet ordre d’idées, deux anthologies ont été publiées.
Le premier volume, intitulé Voix d’écrivaines francophones, met en avant l’engagement des écrivaines et les invite à se faire actrices de leur histoire. Coordonné par Fawzia Zouari et paru aux Éditions Regain de lecture en 2019, il a regroupé 42 des membres du Parlement. Dans l’optique de se (re) présenter au monde, le livre fait la part belle à la bibliographie de ces femmes de lettres, comme pour clamer au monde : « Nous sommes là et nous ne bougerons pas ! »
Le deuxième volume, Nouvelles voix d’écrivaines francophones, emboîte le pas à son aînée, avec ici un double sacerdoce : renforcer leur présence dans l’espace francophone, mais aussi mettre leur féminité qui est leur force au cœur de leurs écrits. Ayant regroupé dix-neuf plumes féminines, sous fond de francophonie, elles utilisent la langue française pour se raconter.
Une voix africaine
Longtemps cantonnée à une sphère marginale subalternisée, la littérature féminine africaine — et francophone dans ce cas précis, a longtemps vécu dans l’ombre de son homologue masculine. Comme si une projection de la société en miroir était faite sur elles, l’enfermement dont souffraient les écrivaines francophones se ressentait dans leurs productions. En effectuant un retour en arrière, l’émergence des premières plumes féminines africaines a coïncidé avec l’ère post-indépendance. Néanmoins, il fallait scruter à la loupe ces sociétés en mutation, non seulement sous le sceau de la tradition qui avait toujours été leur socle, mais aussi sous celui de la modernité qui faisait son arrivée.
Dans cet ordre d’idées, le travail des pionnières telles que Mariama Bâ, Aminata Sow Fall, Awa Thiam, Regina Yaou, Philomène Bassek, Maryse Condé, Agnès Agboton, sur le continent ou dans la diaspora, ont eu à cœur, à travers leurs récits multiformes, de peindre les sociétés dans lesquelles elles évoluaient avec leurs plumes. En dénonçant les maux des Africaines tels que l’excision, les mariages forcés, la polygamie et tant d’autres pesanteurs sociétales, elles ont creusé un sillon revendicateur. Néanmoins, est-il toujours dit qu’une femme doit uniquement écrire sur des sujets touchant ses semblables ?
Cette assignation de genre est l’une des raisons qui ont poussé à la mise en place du parlement des écrivaines francophones. En reconnaissant et respectant le travail fait auparavant, ces écrivaines forment l’assemblée du parlement et veulent s’affranchir des carcans dans lesquels elles sont enfermées depuis belle lurette et imposent, en sus de la liberté de création, l’égalité dans l’exercice de cette création.
En somme, par la féminité qui est leur essence biologique, en rédigeant leur manifeste, les écrivaines du parlement s’affirment comme des femmes, des femmes qui écrivent et qui désirent au moyen des mots qui sont leur outil d’expression, contribuer de façon autonome à la marche de l’histoire, et ce sans être dans l’ombre. Passer de la pénombre à la lumière, tel semble être le credo des membres du parlement des écrivaines francophones.
Bình luận