Beata Umubyeyi Mairesse est auteure de deux romans à succès. Après avoir gagné le Prix des cinq continents de la francophonie en 2020, pour son premier roman Tous tes enfants dispersés, elle remporte le Prix Kourouma 2023. Le jury de ce prix littéraire — présidé par Jacques Chevrier et créé à la mémoire de l’écrivain ivoirien Ahmadou Kourouma — a décidé de couronner son deuxième roman intitulé Consolée, pendant le dernier Salon du livre de Genève. Elle succède à la Camerounaise Osvalde Lewat.
Rescapée du génocide
Beata Umubyeyi Mairesse est une écrivaine franco-rwandaise. Fille unique, elle naît en 1979 à Butare, au sud du Rwanda, d’un père polonais et d’une mère rwandaise. Survivante du génocide des Tutsi en 1994, elle quitte le Rwanda au mois de juillet de la même année grâce à l’Association suisse « Terre des hommes ». Âgée de 15 ans, Beata Umubyeyi s’installe en France. Elle est inscrite en classe de seconde et obtient son baccalauréat quelques années après. Après un passage en classe préparatoire littéraire à Lille, elle intègre Sciences Po Lille.
Soucieuse d’être utile à son pays de naissance, le Rwanda, elle décide de faire un diplôme d’études supérieures spécialisées (DESS) en développement et coopération internationale à la Sorbonne. C’est ainsi qu’elle commence à travailler dans l’humanitaire et rejoint plusieurs ONG et associations internationales centrées entre autres sur la santé. Elle sera Coordinatrice de projet pour le compte de Médecins Sans Frontières, Chargée de programmes au Samusocial International, Chargée de mission pour l’Association française AIDES qui lutte contre le VIH et les hépatites virales.
Avec son mari et ses deux enfants, Beata Umubyeyi Mairesse vit actuellement à Bordeaux, en France, où elle anime constamment des activités littéraires.
La colonisation, le génocide, l’exil…
L’œuvre de Beata Umubyeyi Mairesse s’ancre dans son histoire personnelle, l’histoire du Rwanda et s’attache à exprimer le malaise des relations entre l’Afrique et le reste du monde. Elle est le reflet du passé douloureux du Rwanda, avec notamment certaines exactions coloniales et le tragique événement de 1994 qu’est le génocide des Tutsi dont le traumatisme demeure présent chez de nombreux Rwandais. À cela s’ajoute le cruel constat des inégalités sociales et raciales qui plombent le monde. L’auteure d’origine rwandaise ne pouvait donc pas s’empêcher d’écrire, puisque convaincue qu’il y avait un vide à combler.
Elle a écrit longtemps dans l’ombre, mais c’est en 2015 qu’elle édite son premier livre. Il s’agit d’un recueil de nouvelles intitulé Ejo qu’elle publie aux Éditions La Cheminante. Le recueil reçoit le Prix François Augiéras 2016 et le Prix du livre Ailleurs 2017. En 2017, elle fait paraître un autre volume de nouvelles, Lézardes (La Cheminante), lequel obtient le Prix de l’Estuaire la même année et le Prix des Lycéens de Decize 2018. Après le progrès (La Cheminante, 2019) est son premier et unique recueil de poésie. C’est en 2019 qu’elle publie son premier roman, Tous tes enfants dispersés (Éditions Autrement, 2019). Cette fiction recevra un bel accueil, et lui vaudra le Prix des cinq continents 2020. La même année, le roman obtiendra également le Prix Des racines et des mots, et le Prix Éthiophile. Et son deuxième roman, Consolée (Éditions Autrement, 2022) remporte le Prix Kourouma.
Consolée
Ce dernier roman de Beata Umubyeyi Mairesse « […] vise à faire connaître au grand public le sort des métis dans les colonies d’Afrique subsaharienne. Il y a eu des articles à ce sujet mais par la fiction, on touche un public plus large. Et je voulais aussi témoigner des résonances entre le passé et le présent. On a tendance à voir le fait colonial comme quelque chose de révolu en occultant les conséquences à très long terme sur la vie des gens. J’avais envie de le mettre en écho avec la réalité de l’immigration post-coloniale en montrant que tout ça n’est pas arrivé de nulle part, qu’une longue histoire nous lie à travers ce passé », affirme-t-elle.
Dans ce roman, Consolée, une métisse arrachée à sa famille noire et placée dans une institution pour « Enfants mulâtres » souffre de la maladie de l’Alzheimer des décennies après sa venue en France. Devenue Astrida, la vieille femme a abandonné l’usage du français et s’exprime seulement en Kinyarwanda, une langue étrangère dans son espace de vie. En essayant de comprendre cette situation, Ramata, d’origine sénégalaise se retrouvera confrontée à sa propre tradition.
À travers ce récit, l’auteure manifeste son affection pour ce Rwanda qui, en dépit de tous ses maux marquants, ne devrait pas perdre ses souches civilisationnelles et identitaires. Par le biais de la fiction, Beata Umubyeyi Mairesse travaille à faire connaitre le passé du Rwanda et invite les Rwandais à ne pas se détacher des valeurs culturelles qui leur sont spécifiques malgré l’élan de la mondialisation qui ne cesse de s’agrandir. L’usage permanent du Kinyarwanda dans son œuvre et l’histoire de Consolée le témoignent assez bien.
Boris Noah
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