La prise de conscience collective sur les violences que subissent les femmes au quotidien fait soudre des mouvements, des associations et des événements visant à célébrer la femme africaine dans toute sa grandeur. C’est dans ce contexte qu’est né l’événement culturel « Dak’art, écoutez-nous aussi ! » organisé avec brio par Dédé Didi, et dont la deuxième édition s’est tenue les 3 et 4 juillet 2021 dans la ville de Dakar au Sénégal. Essentiellement consacrée à l’artisanat et à la maroquinerie, cette deuxième édition a accueilli de nombreuses femmes entrepreneures venant de plusieurs pays africains. Lesquelles ont partagé leurs différentes expériences à travers des expositions, des ventes, un défilé, un apéro réseautage, des ateliers de théâtre pour enfants et bien d’autres activités.
Échanges, partage et solidarité !
« Dak’art, écoutez-nous aussi ! » est un rendez-vous d’échanges culturels qui implique des rencontres et des collaborations des femmes venant de divers horizons. Elles sont Sénégalaises, Tchadiennes, Gabonaises, Congolaises et Malgaches, qui se réunissent pour une seule et même cause : faire rayonner leur génie créateur et exprimer leurs capacités entrepreneuriales et managériales. L’édition 2021 qui s’est déroulée au Clos Normand a connu la participation de grandes artisanes dont les expositions ont fait l’objet de grande attention.
Dans le domaine de la mode et de la décoration, nous avons eu entre autres des exposantes comme la Malgache Dany Malala Andrianasolo, fondatrice de la marque PAGNELIA. Elle conçoit les sacs et les accessoires de décoration avec du pagne et des matières naturelles. Elle propose également des chapeaux en raphia, des ustensiles de cuisine et d’autres objets de décoration pour la maison. On peut aussi relever la présence de la marque PENDUSSE fondée par Mame Penda Fall. Elle est spécialisée dans les arts de la table avec une touche africaine. Pendusse Créations confectionne du linge de table avec des colorations africaines ainsi que des couverts avec des manches imprimés en design Wax. Basée à Paris, ses produits sont disponibles sur Amazon France. Awa Diagne Diongue, fondatrice de DRESS EVITA, dont le slogan est « l’art de s’habiller africain » était également présente. Elle a eu l’occasion de présenter la collection Tabaski de Dress Evita qui se faisait remarquer par son originalité. Passionnée de mode, Awa Diagne entend internationaliser ses créations typiquement africaines.
Dans le domaine de l’alimentation, on parlera de Mme Badiane née Penda Diagne, gérante de PMDF (Pro Multi-services Diagne et Frères) et fondatrice de la marque GANA (Grand Arbre Naturel d’Afrique). Spécialisée dans la transformation agroalimentaire, elle a exposé ses produits qui — comme elle aime le préciser — sont labellisés et répondent aux normes internationales. Dans le même registre, Fatima Bâ et Fatim Diaolle, co-fondatrices de la marque SUUKABE, ont présenté leurs produits alimentaires pour enfants. Elles sont spécialisées dans la fabrication des produits de nutrition pour les plus petits, avec les aliments locaux.
Les expositions des produits de beauté à base des plantes africaines étaient aussi de la partie. Originaire du Tchad, Népidi Sonia Soulanoudjingar a fait découvrir au public les senteurs du Tchad. Ingénieure biomédicale et fondatrice de la marque artisanale LES SECRETS DE NEFERTITI, elle est experte dans la fabrication des parfums, des produits pour le traitement de cheveux, pour les soins de visage et de la peau. Parallèlement, Maëlle Razafindravao, ingénieure en pharmacologie, a pu vendre les produits de sa marque VOARYTSAR. Elle est spécialisée dans la transformation des plantes pour produire des huiles anti-inflammatoires, aphrodisiaques, apaisantes et antiémétiques.
La peinture était au rendez-vous, avec notamment l’exposition très attendue des tableaux de Madame Khadijatou Cissé. Elle est une artiste peintre autodidacte, puisqu’elle n’est jamais passée par une École des Beaux-Arts. Généralement présentée comme une artiste iconoclaste, ses tableaux portent le sceau de la quête de liberté de la femme dans un environnement amplement dominé par les hommes.
À côté de toutes ces exposantes, plusieurs femmes ont participé à la réussite de l’événement ; à l’instar de Mme Khadijatou Seck. Marraine de l’évènement, elle est Coach de vie certifiée et présidente de l’association « ASAFEF » qui milite en faveur des femmes vulnérables. Dr Ndeye Fatou Ndiaye en était aussi marraine est médecin, nutritionniste spécialiste en santé publique et épidémiologie. Elle est la directrice et la fondatrice, de NOFLAYE Center, qui est le premier centre sénégalais de gestion intégrée du stress dédié aux femmes. Nogaye Ndiaye Mourgaye la marraine du défilé organisé pour cette édition est la fondatrice de FANTAISIKA et ONGLEMANIA. C’est elle qui s’est occupée du maquillage des femmes qui défilaient.
Écoutez-nous aussi, nous aussi nous pouvons !
« Dak’art, écoutez-nous aussi ! » se pose sans ambages comme un événement à la coloration féministe, qui donne la parole à la femme dans un contexte où elle est la cible de plusieurs types de violences ; qu’elles soient physiques, psychologiques ou morales. C’est une occasion pour les femmes africaines de s’exprimer librement à travers l’art et la culture, et de débattre sur les thématiques qui freinent leur émancipation. Dans la journée du 3 juillet, il y a eu un défilé exclusivement féminin sous le thème : « Sutura-Muñ », organisé pour sensibiliser le public sur les violences faites aux femmes au Sénégal. Au Sénégal et presque partout en Afrique, les inégalités entre l’homme et la femme restent très visibles. La femme demeure très peu représentée dans les différentes sphères de la société. En politique par exemple, son pourcentage de participation demeure assez bas au détriment de tous les efforts qui sont faits pour préserver la parité des sexes. Et pourtant ce n’est ni la compétence, ni le courage, ni la volonté qui manquent.
Il faut dire que les femmes sont tout simplement victimes de la conception stéréotypée des coutumes et des religions radicales qui ne lésinent pas à les reléguer au second plan et à les considérer comme des objets de plaisir. Elles ont toujours été considérées comme des êtres qui ont besoin qu’on les tienne la main, qu’on les encadre ou qu’on les assiste en permanence. Les femmes estiment qu’il est temps de briser la glace des tabous qui les empêchent de franchir le pas. Pour cela, il faut oser bousculer les lignes du destin qui n’est pas fondamentalement lié à celui de l’homme. Les résultats de leur combat multiforme sont positifs, au vu de nombreuses actions qu’elles posent au quotidien. La richesse des expositions de la deuxième édition de « Dak’art, écoutez-nous aussi ! » vient encore le confirmer.
À travers « Dak’art, écoutez-nous aussi ! », l’artisanat et la maroquinerie se rangent indéniablement parmi les moyens les plus propices à la valorisation et à l’expression de la liberté féminine. Cet événement et plein d’autres qui existent dans le continent sont la preuve que la place de la femme africaine vend autant que l’homme la culture africaine. En plus de vouloir passer un message, celui de la capacité de la femme à entreprendre et à s’autogérer, cet événement contribue à tisser la toile culturelle de l’Afrique. Il se pose comme la fresque qui laisse rayonner la culture africaine dans toute sa diversité et sonne comme l’écho qui laisse entendre que la création artisanale notamment, n’est pas la chasse gardée de la gent masculine. Nous pouvons créer, nous pouvons entreprendre, nous pouvons gérer, écoutez-nous aussi, disent-elles !
Boris Noah
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