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La journée mondiale de l’Afrique : vers un oubli général ?

La Journée mondiale de l’Afrique est célébrée le 25 mai de chaque année. Initiée en marge des événements visant à promouvoir la liberté, l’unité et la solidarité des États africains ; l’on se rend compte que cette journée est parfois méconnue des Africains et les manifestations qu’elle implique sont de plus en plus sans grande envergure.


Les circonstances de sa création

L’idée de mettre sur pied une journée qui célèbre l’Afrique prend source peu avant les indépendances africaines. Tout commence lors de la première conférence des États indépendants d’Afrique organisée à Accra, la capitale ghanéenne, le 15 avril 1958. Le congrès est convoqué par Kwame Nkrumah dont le pays avait accédé à l’indépendance un an auparavant, en mars 1957. Il déclarait justement que « l’indépendance du Ghana n’a pas de sens si elle n’est pas liée à la libération totale de l’Afrique ». À une époque où très peu de pays africains étaient indépendants, ce congrès n’a donc connu que la participation du Ghana, de l’Éthiopie, du Libéria, de la Tunisie, du Maroc, de la Libye et du Soudan. Mais également, on note la participation de la République arabe unie qui était la fédération de l’Égypte et de la Syrie, des représentants du Front de libération nationale de l’Algérie (FLN) et de l’Union des populations du Cameroun (UPC). L’objectif de cette conférence était de poser les jalons de la promotion de l’unité et de la solidarité de ces puissances africaines déjà souveraines, ainsi que d’aider ou d’accompagner les autres États qui étaient encore sous le joug colonial de se libérer et d’accéder eux aussi à l’indépendance. Au cours de cette rencontre, un fait marquant va se produire ; les différents participants décident de créer la « Journée de la liberté africaine » dans l’optique de « marquer chaque année le progrès du mouvement de libération et pour symboliser la détermination des peuples d’Afrique à se libérer eux-mêmes de la domination et de l’exploitation étrangères ».

Par la suite, plusieurs événements vont se succéder et de nombreux pays du continent vont accéder à l’indépendance. Le mouvement panafricain va de ce fait prendre un tournant décisif et historique. Puisque le 25 mai 1963, ces pays nouvellement indépendants, trentaine deux (32) au total, vont se rencontrer à Addis Abeba pour la création de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) sous l’impulsion de l’empereur Hailé Sélassié Ier. Lorsque l’OUA est créée, elle se fixe pour objectifs principaux de libérer totalement le continent de l’oppression coloniale et de l’apartheid ; de promouvoir l’unité et la solidarité entre les États africains ; de coordonner, et d’intensifier la coopération pour le développement ; de sauvegarder la souveraineté et l’intégrité territoriale des États membres et de promouvoir la coopération internationale. Cette rencontre sera l’occasion pour les différents participants de renommer la « Journée de la liberté africaine » et de changer sa date de célébration qui était fixée au 15 avril. Elle sera donc rebaptisée : « Journée de la libération africaine » et sa célébration sera fixée le 25 mai, en commémoration à la naissance de l’organisation panafricaine qui venait d’être créée. Au fil du temps, cette journée va finalement devenir « Journée mondiale de l’Afrique » et bien que l’OUA soit devenue l’Union Africaine en juillet 2002, la date du 25 mai va rester inchangée.


Quelle importance ?

Au regard des circonstances qui ont impliqué sa création, il est clair que la Journée mondiale de l’Afrique porte le sceau des combats qui ont marqué ce continent dans son processus d’émancipation. La date du 25 mai est assez symbolique pour l’Afrique et sa diaspora puisqu’elle fait référence à un événement déterminant de l’histoire du continent. Sa célébration qui est un renforcement des valeurs d’unité et de solidarité prônées par l’UA, garde donc tout son sens et reste d’actualité. Mais seulement, ces dernières années, on perçoit une régression de l’ampleur des activités liées à sa célébration. Cette année encore, la pandémie de la Covid-19 n’a nullement facilité la tâche. Elle est quasiment passée inaperçue et très peu d’activités ont été organisées. C’est dans les domaines intellectuels qu’on a notamment vu des manifestations comme des tables rondes, débats et conférences organisés en ligne.

Et pourtant, même si elle a été modifiée sur la forme, les motivations qui ont entraîné sa naissance n’ont pas véritablement changé, au vu des événements qui ont marqué le continent ces dernières décennies. Entre les multiples interventions qui sont considérées comme une ingérence persistante des anciennes nations coloniales dans les affaires internes des États d’Afrique, et le manque d’une véritable unité et d’une réelle solidarité du peuple africain, on voit bien que les choses ont certes évolué, mais le mal demeure dans la racine. À cela s’ajoute la paupérisation qui fait son nid dans plusieurs régions, le problème criant de l’immigration clandestine au large de la Méditerranée, les crises politiques incessantes, la prolifération des groupes terroristes.

Cela étant, la journée mondiale de l’Afrique devrait être un jour de réflexion sur tous les problèmes qui plombent l’aile de l’émergence du continent noir. Les Africains dans leurs domaines respectifs devraient marquer un temps d’arrêt pour penser ensemble le devenir de leur continent et trouver les perspectives pour certaines situations chaotiques. Faut-il le rappeler, la renaissance d’une Afrique qui s’affranchit de l’afropessimisme est urgente ? Des efforts sont faits au quotidien, mais le chemin reste long pour atteindre les objectifs fixés depuis la naissance de l’instance panafricaine. Soixante ans après les indépendances, les systèmes politiques ne répondent pas toujours aux exigences de la démocratie. L’usage de la force s’érige de plus en plus en règle ; le dernier exemple en date étant celui du Mali qui depuis près d’un an est entre les mains d’une junte qui s’adjuge tous les pouvoirs. Et ce, sous le regard impuissant de l’UA qui s’était contentée de suspendre ce pays de l’organisation panafricaine, après le coup d’État militaire orchestré contre le régime d’Ibrahim Boubacar Keïta. Tout en rappelant que la même UA a décidé d’accompagner le Conseil militaire du Tchad dans son processus de transition, après l’assassinat d’Idriss Déby Itno en avril dernier. Ce qui dévoile un malaise dans la gestion des affaires politiques en Afrique.

La journée mondiale de l’Afrique est en fin de compte un jour de célébration de l’émancipation du continent africain. Elle est ou devrait être aussi l’occasion de prouver que l’Afrique n’est pas mal partie, n’en déplaise aux pessimistes. Il est donc question, au-delà des problèmes, de célébrer les efforts qui sont fournis et de marteler la place incontournable de ce continent dans le monde. Par conséquent, c’est une journée qui mérite plus d’attraits et d’engouement.


Boris Noah


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