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UN VISAGE FÉMININ DU THÉÂTRE BURKINABÈ : SAFOURA KABORÉ

Dernière mise à jour : 6 avr. 2022

Actrice et comédienne, Safoura Kaboré est d’origine burkinabè. Basée à Ouagadougou, elle a mis son génie artistique et créatif au service de plusieurs structures à travers la formation dispensée auprès des jeunes. Dans le cadre de l’édition spéciale du Magazine Lakalita pour le mois de mars 2022, elle a bien voulu répondre à nos questions.

Par Souad Sankara


Bonjour, Madame Kaboré, comment allez-vous ?

Bonjour ! Je vais très bien grâce à Dieu et à mes ancêtres.


Qui êtes-vous, Safourata KABORÉ ?

Je suis artiste-comédienne et formatrice. J’aime la musique, la danse, j’adore manger, j’adore les voyages, la lecture…


Le théâtre et vous : une histoire d’amour. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?

Mon amour pour le théâtre est né au lycée par l’entremise de mon professeur de français qui avait mis en place une troupe de théâtre à laquelle j’avais adhéré à mes heures perdues. Et juste à côté de la maison de mes parents, il y avait le théâtre de la Fraternité. Je me retrouvais là aussi à mes heures perdues, à observer, à voir des gens se transformer et puis un jour je me suis retrouvée au théâtre de la Fraternité pour un casting organisé par le professeur Jean-Pierre Guingané, paix à son âme. J’ai donc été retenue. Au sein de ce groupe, je me suis retrouvée en famille avec des gens qui, je m’en suis rendu compte, avaient la même vision que moi. Nous étions ensemble, nous avions les mêmes rêves et les mêmes rages. Voilà en gros l’histoire de mon amour.


Tombe-t-on amoureux d’un genre littéraire comme on tombe amoureux d’une personne ?

Oui ! On tombe amoureux d’un genre littéraire comme on tomberait amoureux d’un homme. Parfois, on lit un livre et cela change toute notre perception de la vie. Parfois, un spectacle de théâtre nous bouleverse à tel point qu’on a l’impression d’être une prolongation de l’histoire qui est mise en exergue. Dans mon cas, je suis tombée amoureuse des œuvres de KALKA, Kilk, de Sony Labou Tansi, de Mohamed Mbougar Sarr, de Sinzo Aanza… Un autre spectacle qui m’a bouleversée et dans lequel je jouais est SPR de Dieudonné Niangouna. La façon d’aimer d’Aristide m’avait tellement émue… Oui, on tombe bel et bien amoureux d’un genre et c’est extraordinaire, parce qu’on se retrouve avec des personnages à gérer, à comprendre.


Existe-t-il des obstacles pour les femmes qui veulent aller loin dans le monde du théâtre ?

En tant que femme, ce n’est jamais évident parce que pendant un temps, le théâtre a été écrit et porté par des hommes dans tous les sens. Donc, on se retrouve souvent dans des projets écrits et portés par des hommes qui n’ont pas forcément la même vision que nous, par exemple sur ce que c’est d’être une femme. Souvent, ils vont vous proposer des rôles qui ne vont pas avec vous, avec ce que vous défendez en tant que femme. Souvent, la vision que les hommes ont de la gent féminine est une vision pas juste, donc sur le plateau vous vous retrouvez à lutter avec certains personnages féminins qui sont tellement éloignés de la réalité féminine. Et, en plus, la femme, malheureusement, vous le savez, est toujours obligée de se battre pour se faire une place. Mais les choses sont en train de bouger, le règne des femmes sur les plateaux arrive. Je dirai d’ailleurs qu’il est déjà là. Elles écrivent, c’est déjà énorme, car elles racontent leurs propres histoires. Elles ne se laissent plus raconter. Elles ont des compagnies, tout cela est encourageant. Et puis vous savez, cela aussi n’est pas évident, nous faisons un métier tellement jaloux, qui veut qu’on lui consacre tout, parfois même nos vies, lorsque nous devons faire des enfants, fonder des familles. Et malheureusement dans nos sociétés les enfants sont éduqués par leurs mères. Le socle familial étant géré par les femmes, il nous faut être présentes, rentrer tôt pour faire à manger, tenir la maison, ne pas aller en tournée quatre mois, sinon on peut revenir et trouver que son conjoint a pris une autre femme. Tous ne le font pas, mais ça arrive, parce que tous les hommes ne comprennent pas. Ne plus répéter jusqu’à une heure tardive parce que ce n’est pas possible de rentrer à 0 h si tu dois faire à manger… Bref, c’est beaucoup, en gros pour faire ce métier en tant que femme, il faut se dire que tu pars sur un ring, énorme, le lieu de nos résistances…


Vous avez travaillé avec de nombreuses compagnies telles que le CITO, Acclamation, les Recréatrales, etc. Comment s’est passée votre intégration au sein des grandes compagnies ?

Des expériences fabuleuses humainement, poétiquement et artistiquement. Cela s’est bien passé avec le CITO, un espace qui m’a révélée au grand public et qui m’a permis de jouer avec presque tous les acteurs de Ouagadougou. Avec Acclamation aussi, pareil, des beaux projets, des rencontres avec des auteurs sur le plateau, une rencontre intellectuelle et poétique avec son fondateur Aristide Tarnagda. Mais encore une fois, ce sont ces espaces qui m’ont permis de vivre des expériences avec des publics différents, de toucher des langues et des pensées différentes. Un Vrai Bonheur.


En tant que femme, quelles ont été les difficultés auxquelles vous avez eu à faire face dans votre carrière ?

Je dirai que ce sont les mêmes difficultés que rencontrent les hommes de théâtre. C’est de pouvoir créer, pouvoir vivre de son art pleinement. Même si encore une fois comme je l’ai dit à certains moments, pour la femme il faut plus de rigueur, plus de rage, de détermination pour prouver qu’elle veut porter un projet, que tout se passe bien ! Mais bon, ce sont les mêmes difficultés pour les hommes aussi et pour toutes personnes faisant de l’art dans ce pays.


Pensez-vous que le Burkina Faso manque de structure de formation pour les jeunes passionnés ?

Le théâtre au Burkina se porte bien. Il souffre simplement d’un manque d’accompagnement financier, sinon nous avons des espaces de création, des salles de répétitions des compagnies qui marchent très bien, des festivals de théâtre. Nous avons des espaces tels que le CITO, le théâtre des Recréatrales, le Catel et le Gambidi qui font des séries de diffusion continuelle, chose pas évidente, pourtant nécessaire, parce que c’est par là aussi que l’acteur vit et existe.


Pouvez-vous dire que Safourata KABORÉ a eu de la chance dans son parcours ?

Oui, énormément de chance, je dirai même, j’ai rencontré les bonnes personnes qui m’ont transmis les vraies bases du métier. Des gens avec qui j’ai eu un accompagnement artistique, des gens qui m’ont vraiment transmis les clés qui m’ont permis des rencontres avec d’autres personnes, des amies qui sont là et qui m’empêchent de décrocher parce qu’il y a des moments où on est tellement fragilisé par ce métier, parce qu’il est à l’endroit de l’humain donc à l’endroit du sensible…


Pour une fille qui rêve de faire du théâtre, le talent suffit-il pour être à la hauteur ?

Oui et non ! Parce que si vous avez le talent, ça se voit, ça vous ouvre les portes. Non, parce que si vous manquez de rigueur et de discipline vous ne serez pas pardonné. C’est un métier qui a besoin de travail. De lire, de se documenter, de voir, d’être curieux aux aguets de la vie, car nous créons pour des humains.


La parité a-t-elle un sens sur une scène de théâtre ?

Oui en fonction des projets, parce que le lieu du théâtre n’est pas l’endroit où on se bat pour des genres, mais plutôt sur les urgences du monde et donc dans ce sens si nous les créateurs, nous sommes justes à cet endroit, la parité existera forcément. Parce qu’hommes comme femmes, nous portons les mêmes histoires et les mêmes amours qui se doivent d’être racontés au monde.


Le théâtre peut-il subvenir aux besoins de celles qui l’exercent ?

Je vole ces répliques d’Aristide Tarnagda qui dit souvent que si l’homme nourrit son art, il pourrait le nourrir à son tour. Ce qui veut dire que certes, il faut de la chance, mais il faut surtout convoquer le travail.


Avez-vous des projets à court ou à long terme pour les femmes qui souhaitent devenir actrice et comédienne ?

Oui, des projets de formation que j’ai eus à commencer d’ailleurs, parce que j’estime que le

« peu d’expérience » que j’ai en tant que femme, je dois le mettre au service des femmes.


Propos recueillis par Souad Sankara


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