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Yvonne Ouattara : « Le stress post-traumatique, conséquence majeure des violences faites aux femmes 


Pour parler des violences basées sur le genre en Afrique, nous sommes allés à la rencontre de Mme Yvonne Tavi Ouattara. Elle est psychosociologue, formée en psychologie clinique, en anthropologie, en psychothérapie et en sciences de l’éducation. Après avoir longtemps œuvré dans les domaines du social et de la santé, elle s’est également impliquée dans le coaching et l’accompagnement des personnes et des groupes ; avec un point d’ancrage sur l’analyse des aspects psychologiques et sociaux des pratiques médicales, sociales et éducatives.


Mme Yvonne Ouattara, nous sommes heureux de vous accueillir dans le Magazine Lakalita. En tant que psychologue, quel état des lieux faites-vous des violences basées sur le genre en Afrique, de façon générale ?


Dans le monde entier, on assiste à une recrudescence des violences basées sur le genre et l’Afrique n’y échappe pas. Les mécanismes sociaux et traditionnels de protection des femmes et des enfants ont explosé, et des références et exigences sont faites, pour que les femmes se conforment aux rôles dits traditionnels. Ceci engendre des abus et des violences physiques et psychologiques. Aussi bien en ce qui concerne l’accès à l’éducation, où on voit encore une préférence marquée pour les garçons. Les familles sont plus enclines à investir dans l’école des garçons.


Il n’est pas pensable qu’une femme reste célibataire et si elle fait ce choix c’est à ses risques et périls. Quand une femme perd son mari, on assiste à des déchainements de violence de toutes natures et parfois rien n’est épargné à ces veuves : spoliations, agressions verbales et physiques retrait des enfants sans lui demander son avis, lévirat, etc.

À cela vient s’adjoindre ces idées et ces situations excrétées par la société dite moderne où par exemple, pour vendre une voiture on expose des corps de femmes dénudés…


Qu’est-ce qui peut expliquer, selon vous, cette présence marquante de la violence dans nos sociétés contemporaines ?


Plusieurs facteurs peuvent expliquer cela, tout d’abord nous sommes dans une société

globalisée de consommation et les femmes sont reléguées au rang de marchandise.

Aussi, il est de plus en plus clair que les garde-fous traditionnels ne tiennent plus, nous avançons à pas de charge vers un autre paradigme. Les traditions sont déformées ou elles sont évoquées quand cela arrange.

Le résultat est la confusion et des tensions énormes qui ne peuvent que générer de la violence. Nous sommes constamment confrontés à des injonctions paradoxales, ce qui nous déstabilise et donc nous rend violent.

Par ailleurs, les textes de loi donnent beaucoup de pouvoir aux hommes sur les femmes, dans le travail, dans les structures familiales et bien plus. Et quand un conflit survient, les plus lésés sont les femmes et les enfants.

Ces traumatismes se poursuivent au cours des générations et entretiennent les ferments de la violence. La priorité devrait être donnée à l’éducation qui permettrait de réduire les risques et particulièrement l’éducation des filles.


Vous êtes co-auteure du livre Jusqu’à ce que mort s’ensuive !, publié en octobre 2021 aux Éditions Lakalita. Quelle peuvent être la place et/ou l’impact de ce livre dans une société africaine en proie aux violences faites aux femmes ?


Il a pour vocation d’attirer l’attention sur cette situation, d’offrir des occasions d’en parler, de susciter des débats et aussi des actions. Car les textes, les résolutions et les conventions sont nombreux, mais les actions fortes manquent ou ne sont pas suffisantes.


Dans ce livre, votre contribution est axée sur « les violences cachées du stress post-traumatique ». De quoi s’agit-il exactement ?


Les femmes qui vivent les violences mettant en jeu leur vie, peuvent développer des stress post-traumatiques, qui à court et à long terme vont transformer leur vie. Le fait d’avoir été menacée de mort ou blessée plonge la personne dans la peur et l’effroi, ainsi que dans un sentiment d’impuissance. Il s’installe un syndrome de répétition qui fait que l’événement traumatique est revécu de manière persistante et répétitive. Ce qui plonge ces femmes dans une détresse psychologique intense.


Le stress post-traumatique que vous définissez comme « un trouble anxieux grave accompagné de symptômes physiques, psychologiques et émotionnels » se manifeste à travers les troubles de sommeil, les pertes de mémoire, le manque de concentration notamment. Jusqu’où est-il dangereux pour la femme et comment y remédier ?


Le sentiment d’aliénation qui se produit les rend incapables de vivre, de créer, d’entreprendre. Et si un diagnostic et un suivi adéquat ne sont pas faits, les conséquences sont désastreuses ; à l’instar d’un état de santé fragile, des maladies à répétition, des conduites addictives et des troubles comportementaux handicapants entre autres. Ce qui peut conduire à une désocialisation.


Dans une Afrique encline aux guerres, au chômage, à la pauvreté et aux épidémies entre autres, nous sommes pour la plupart exposés à diverses formes de troubles psychologiques et émotionnels. Que préconisez-vous pour éviter de sombrer dans ces troubles ?

Nous sommes des êtres sociaux et nous avons besoin de relations équilibrées. Pouvoir compter sur sa famille, ses amis, des groupes de solidarité nous aide à surmonter ces événements traumatiques.

Nous devons dans la mesure du possible prendre en charge nos besoins

fondamentaux. Il existe aussi des outils et des exercices qui peuvent agir comme de la prévention et aussi de la régulation du stress. De manière basique des exercices respiratoires, une bonne hydratation et des moments de détente.



En ce mois de célébration de la femme, quels conseils donneriez-vous aux femmes

victimes de violences ?


Il faut en parler, la loi du silence fait perdurer les violences. Il faut se tourner vers des groupes, des associations qui peuvent aider dans ce sens, à l’instar de l’association des

femmes juristes.


Mme Yvonne Ouattara, nous vous remercions pour ces éclaircissements.


Boris Noah


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