Le Mali peine décidément à sortir de la crise sociopolitique dans laquelle il est plongé depuis des mois. Le pays a été mis sous embargo à la suite d’une réunion tenue à Accra le 9 janvier 2022, par les Chefs d’État membres de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Une réunion au cours de laquelle des sanctions sévères ont été prises à l’encontre du gouvernement militaire malien qui, selon la CEDEAO, veut confisquer le pouvoir qui devait être remis aux civils au bout de 18 mois. Une situation aussi triste qu’embarrassante qui ne facilite pas la restauration de la stabilité économique, sociale et politique du Mali qui, faut-il le rappeler, est un pays en proie aux violences terroristes.
En effet, la junte malienne dirigée par le Colonel Assimi Goïta, qui avait renversé le gouvernement d’Ibrahim Boubacar Keïta le 18 août 2020, − ancien président décédé ce dimanche 16 janvier 2022 − a proposé un nouveau calendrier. Elle a demandé à continuer à diriger le pays jusqu’en décembre 2026. Et pourtant elle avait pris l’engagement d’organiser les élections présidentielles et législatives en février 2022, afin de laisser le pouvoir entre les mains de civils. Selon le gouvernement de transition, il est difficile, en l’état actuel du pays, d’organiser les élections comme prévu. L’insécurité persistante au Mali avec la multiplication des actes de violence liés au Djihadisme, et la nécessité de mettre sur pied des réformes pouvant garantir la bonne tenue des élections, sont notamment quelques raisons mises en avant par les militaires. Malgré toutes ces raisons, la CEDEAO estime que le nouveau calendrier proposé est « totalement inacceptable ». Cette proposition « signifie simplement qu’un gouvernement militaire de transition illégitime prendra le peuple malien en otage au cours des cinq prochaines années », déclare-t-elle. Pour cela, la CEDEAO a infligé de lourdes sanctions au Mali. Elle a décidé de fermer les frontières avec le Mali au sein de toute la sous-région, de couper ses aides financières et de bloquer les avoirs du Mali à la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO). On note également la suspension des échanges commerciaux autres que les produits médicaux et de premières nécessités ainsi que le retrait au Mali des ambassadeurs des pays membres de l’organisme ouest-africain, sans oublier l’interdiction de vol de plusieurs compagnies aériennes vers Bamako.
Face à cette situation, des milliers de Maliens ont manifesté vendredi dernier, le 14 janvier, non seulement pour témoigner leur soutien au gouvernement militaire, mais aussi pour s’indigner de cet acharnement. Ils n’ont cessé de scander des mots de liberté et d’indépendance, et l’on pouvait aisément percevoir le ras-le-bol contre la politique étrangère de la France en Afrique subsaharienne. « J’étais encore jeune au moment de l’indépendance, mais nous étions fiers d’être Maliens, d’avoir comme dirigeant Modibo Keïta. Pour la première fois depuis cette époque, j’éprouve le même sentiment avec nos autorités actuelles, nous sommes un peuple fier », tels sont les propos d’un manifestant. Cette « mobilisation générale » à laquelle ont pris part les membres du gouvernement de transition est considérée comme l’une des plus grandes de l’histoire moderne du Mali. À travers cette mobilisation, le peuple malien s’est montré fort, courageux et souverain. Tout porte à croire qu’il est satisfait du travail fait par la junte militaire, qui se montre intransigeant à toute ingérence malveillante. La solution de l’Afrique n’est peut-être pas militaire, mais comment ignorer la popularité croissante d’un gouvernement militaire de transition comme celui du Mali − et par ailleurs de la Guinée-Conakry − qui alimente les espérances du peuple pour une sortie de crise louable ?
Toutefois, la voix du dialogue reste la meilleure pour sortir de cette crise. « L’un des objectifs du colonel Assimi Goïta demeure le retour à l’ordre constitutionnel, mais cela ne peut pas se faire sans la sécurité. Nous restons ouverts au dialogue », a affirmé le Colonel Abdoulaye Maïga, ministre de l’Administration territoriale et porte-parole du gouvernement. Autant nous pouvons juger le nouveau calendrier assez long pour un gouvernement militaire de transition qui veut remettre le pouvoir aux civils, autant nous trouvons sévères les sanctions prises par les pays ouest-africains. Loin de toute pression, la CEDEAO et le Mali devraient trouver le juste milieu pour ajuster le nouveau calendrier proposé, en prenant en compte les difficultés présentées par le pays. Cet événement démontre une fois de plus que certaines pratiques occultes s’effondrent progressivement. Ce qui signifie que si la CEDEAO continue de subir des pressions étrangères, elle perdra de plus en plus de l’autorité. Ce, parce que d’autres ont à cœur de s’imposer comme de sérieux partenaires. Pour le cas du Mali, au-delà de quelques soutiens africains comme l’Algérie et la Guinée-Conakry notamment, il bénéficie du soutien de la Russie, la Chine, du Qatar, la Corée du Nord qui peut également prêter à réflexion. Même si, pour l’instant, cela peut permettre au nouvel homme fort du Mali de surmonter les sanctions et la sommation de la CEDEAO.
Boris Noah
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