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Carmen Toudonou : « Miss Littérature est un concours de beauté intellectuelle »

Carmen Fifamè Toudonou est journaliste et écrivaine béninoise. Elle est la promotrice du concours Miss Littérature Afrique dont l’objectif est de susciter l’intérêt pour la lecture et l’écriture chez les jeunes filles, afin de contribuer à former la relève de la littérature féminine africaine. Carmen Toudonou rêve grand à travers cet événement et nous fait parcourir les artères de ce rêve.



Carmen Toudonou, comment est né le concours Miss Littérature Afrique ?

Je suis partie du constat que tout le monde peut faire aujourd’hui ; les jeunes et les moins jeunes sont tellement exposés à un certain nombre de distractions qu’ils lisent de moins en moins. Il y a donc un problème à résoudre dans le domaine de la littérature et il faudrait trouver des solutions pour y parvenir. Pour moi, il était important d’intéresser les jeunes à la lecture, notamment les jeunes filles, partant du fait que la littérature féminine africaine, comme un peu partout dans le monde, est confrontée à de nombreux problèmes. Notamment, l’effectif des femmes qui écrivent est considérablement réduit par rapport à celui des hommes.


Et donc, ce concours est né de la volonté de transcender les discours qui tournent autour du manque d’intérêt pour la lecture et l’écriture, pour aller vers une proposition concrète. Tout en se concentrant sur les femmes puisqu’elles sont les plus vulnérables, Miss Littérature est de ce fait né dans la vision de contribuer à former la relève littéraire féminine africaine. Je vous concède que c’est une vision qui est assez ambitieuse, mais que serait une vision si elle manque d’ambition ? Je crois que c’est le propre des visions d’embrasser grand.


Peut-on en savoir plus sur les objectifs de cet événement ?

Parlant des objectifs du concours Miss Littérature, comme j’ai commencé à le noter, il est question d’apporter une contribution à la formation de la relève littéraire féminine africaine. Ce, en renforçant le goût de la lecture auprès du public jeune, notamment féminin, en lui donnant l’envie d’écrire et les outils pour s’adonner à l’écriture avec succès et efficacité. L’autre objectif c’est de promouvoir la littérature, surtout la littérature africaine auprès du public.


Et puis, il y a un objectif subsidiaire qui s’appuie sur notre envie de montrer qu’il n’est pas ringard de s’intéresser à la littérature, et que la lecture est une activité de divertissement comme une autre qui peut être « glamour ». C’est pour cela que nous avons voulu détourner le concept classique des concours de beauté pour l’adapter à la littérature. Et donc, Miss Littérature est un concours dont le nom montre évidemment que c’est un concours de beauté, mais de beauté intellectuelle. Je dis cela pour souligner qu’il n'y a pas de critères physiques que nous notons dans le concours Miss Littérature. Tout ce que nous notons depuis que le concours existe, c’est la capacité des participantes à faire par exemple un compte rendu de lecture, de comprendre ou de rendre un livre, de rédiger un texte littéraire. Nous examinons aussi leur connaissance de la littérature et leur perfection dans l’art oratoire entre autres.




Quelles sont les conditions à remplir pour y participer ?

Je voudrais d’abord préciser que Miss Littérature est né depuis 2016. Nous avons eu deux éditions nationales au Bénin en 2016 et en 2017. Ensuite, nous avons opéré deux réformes majeures. Le concours est devenu panafricain, donc étendu à d’autres pays africains. Et la deuxième réforme majeure c’est que le concours est devenu une biennale. Nous avons donc eu la biennale 2018-2019, la biennale 2020-2021 et la biennale 2022-2023 qui est en cours ; avec huit pays africains qui sont impliqués dans le concours : le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, la Côte d’Ivoire, la Guinée, le Mali, le Tchad et le Togo.


Alors, les conditions pour participer au concours sont très simples. Il faut être une jeune fille âgée de 18 à 24 ans, résidant dans l’un de ces pays. Et puis, il faut aimer la littérature. C’est tout comme conditions, vous voyez que ce n’est pas très contraignant. Il faut aimer la lecture, il faut aimer l’écriture. Être déjà passionnée d’écriture, pas forcément avoir déjà écrit un texte, mais avoir envie de devenir écrivaine et donc, de pouvoir profiter des ateliers d’écriture que nous offrons à nos lauréates.


Pourriez-vous nous expliquer comment se déroule le concours Miss Littérature ?


Le concours Miss Littérature se déroule d’abord au niveau des différents pays cités pendant l’année paire avant la grande finale. Par exemple, pour cette biennale 2022-2023, le concours a connu sa phase nationale en 2022. Donc, dans chacun des pays, il y a trois étapes de façon globale. La première étape c’est celle des inscriptions, nous invitons les jeunes filles à s’inscrire gratuitement. Ensuite nous avons la deuxième étape, celle des présélections, et lors de celle-ci, nous présélectionnons les jeunes filles qui sont outillées pour prendre part à la finale nationale. Et la troisième phase est celle de la finale nationale. C’est une élection qui se déroule devant un public et qui permet d’élire la miss et ses dauphines.


Cette soirée de finale se déroule en quatre étapes. Il y a d’abord l’étape de la présentation originale au cours de laquelle les participantes sont invitées à se présenter au public de façon originale. Lors de la deuxième étape, il est question de répondre aux questions de littérature, toujours devant le public, des questions qui portent autant sur la littérature nationale que sur la littérature africaine et mondiale de manière générale. La troisième étape permet aux participantes de démontrer leurs capacités de rédaction. Nous leur donnons un sujet sur place et puis elles réfléchissent par rapport à ce sujet, la consigne étant de produire un paragraphe littéraire sur la thématique énoncée. Enfin, la quatrième étape c’est celle du compte rendu de lecture qui est suivi de la réponse à des questions de littérature tirées de l’œuvre dont le compte rendu est fait. Donc, à chaque fois, nous avons un roman qui est imposé, que les jeunes filles lisent au préalable, et elles ont pour consigne de faire le compte rendu de lecture de ce livre et de répondre aux questions qui en sont tirées.


C’est donc à la fin de tout ce processus que nous avons l’élection des miss au plan national. Alors pendant l'année impaire, donc 2023 pour le cas de cette biennale, la finale panafricaine est organisée. Ce sont les lauréates élues au niveau national qui participent à cette finale africaine. Et pour cette grande finale, nous suivons toujours les quatre phases que j’ai énoncées tantôt. C’est ainsi que nous avons l’élection de la Miss Littérature Afrique et de ses dauphines. Je précise que c’est le Burkina Faso qui est le tenant du titre.


Comment préparez-vous l’édition 2023 ? Y a-t-il des innovations prévues ?


L’édition 2023 est en fait la biennale 2022-2023 qui se poursuit. C’est une biennale qui s’est globalement très bien déroulée jusque-là dans les huit pays que j’ai cités tantôt. Nous avons déjà eu notre année paire avec effectivement l’élection des miss et de leurs dauphines dans les huit pays. C’est un défi qui est déjà relevé. Ensuite, nous aurons la finale Afrique 2023 qui se tiendra à Abidjan. Nous avons notre président national du concours Miss Littérature en Côte d’Ivoire, M. Jules Degni, qui est à pied d’œuvre et en lien avec le comité du Bénin pour une parfaite organisation de cette finale qui est prévue pour le 16 décembre 2023.


La principale innovation que nous avons déjà apportée lors du concours au plan national au Bénin, c’est qu’il y a eu une phase de lecture du roman imposé aux candidates pour la finale. Cette phase a connu un énorme succès et nous comptons bien la garder pour la finale de décembre prochain. L’autre innovation c’est que c’est la première fois que nous allons avoir une finale Afrique de Miss Littérature, en dehors du Bénin qui est le pays, je peux dire, de naissance de Miss Littérature. Mais il faut aussi souligner que la Côte d’Ivoire a été sacrée Miss Littérature Afrique lors de notre toute première biennale 2018-2019. Donc la Côte d’Ivoire est un pays important pour Miss Littérature. Ce n’est donc que justice que cette finale se tienne à Abidjan, avec l’idée que plus tard, avec plus de soutien, nous pourrons organiser cette finale de façon tournante dans les différents pays où Miss Littérature est présent.


Jusqu’où comptez-vous étendre cette promotion de la littérature et ce désir d’impulser l’amour de l’écriture chez les jeunes filles africaines ? Quel est le cap que vous vous fixez ?


Il était clair pour nous, à partir du moment où nous avons décidé d’étendre le concours à d’autres pays, que Miss Littérature à terme devrait embrasser tous les pays d’Afrique francophone et même d’autres pays dans le monde, notamment en Europe, et en Amérique aussi. Mais le facteur limitant, comme vous pouvez le soupçonner, ce sont les moyens financiers parce que le concours Miss Littérature jusque-là n’est pas subventionné. C’est un concours qui roule sur fonds propres des membres du comité d’organisation et surtout sur mes fonds. Cela fait que les moyens étant limités malheureusement, il y a beaucoup de pays qui frappent à la porte mais nous n’arrivons pas encore à satisfaire ces demandes-là, à étendre le concours dans ces pays.


Je me résume en disant que l’objectif c’est vraiment d’embrasser tout le monde francophone et pourquoi pas anglophone. On peut très bien faire le concours avec des pays anglophones, avec des romans anglophones. Nous avons envisagé toutes ces possibilités mais pour le moment, le facteur limitant ce sont les ressources financières. Mais nous avançons progressivement et sereinement en sachant que plus les autorités ou d’autres structures de promotion de la littérature vont s’intéresser au concours, plus nous pourrons l’étendre progressivement à d’autres pays en Afrique et hors d’Afrique.


Pour sortir, un mot sur votre dernier roman, L’Orgasme douloureux (Éditions Lakalita, 2022). Comment devient-il douloureux, l’orgasme ?


Comment l'orgasme devient douloureux ? (Sourire) Je répondrai en disant que mon roman L'Orgasme douloureux est une satire politique qui peint sous le déguisement d’un propos grivois, la décrépitude de l'Afrique sous le règne des dictatures. C’est un roman qui fait également une critique de nos sociétés, où généralement la recherche effrénée des plaisirs sexuels semble parfois primer sur la promotion d’un mieux-être des populations. Le roman fait donc cette critique sociale d’une Afrique obnubilée par l’orgasme au lieu de chercher plutôt à demander des comptes, parfois, à certains dirigeants qui en font un peu trop, qui exagèrent sur un point ou un autre.

Le processus d’édition de ce roman est un peu particulier parce qu’il y a eu d’abord un appel à projets de la part de Lakalita qui souhaitait accueillir uniquement des écrivaines en résidence à Ouagadougou. J’ai postulé et il s’est fait que, de façon fort intéressante, mon projet a plu. À cette époque, j’avais rédigé à peine une dizaine de pages de L'Orgasme douloureux, et l'objectif était de mettre les écrivaines dans les conditions idoines pour continuer leurs projets. Malheureusement, avec les évènements qu’il y a eu au Burkina Faso, nous n’avons pas pu faire le voyage mais le projet s’est poursuivi et il a donné ce roman. C’est l’occasion pour moi de remercier très chaleureusement Mme Fatoumata Kane Ki-Zerbo et toute son équipe, pour tout ce que Lakalita a eu à faire pour moi. Merci !

Merci, Carmen Toudonou !

Par Boris Noah

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